art, artiste, sculpture, sculpteur, Franche-Comté

Joseph Baudrand

Dole, 1836 - Besançon, 1897


Joseph Baudrand suivit les cours dispensés par Désiré Besson à l'école gratuite de dessin de Dole. Dès 1861 il sculpte ce Saint Vernier d'un type réaliste pour l'église de Moissey. Puis il conçoit les autels néo-gothiques des églises de Nozeroy en 1865, puis de Sellière vers 1870-1872. Son premier grand chantier provient du couvent de La Visitation de Dole qui, vers 1852, le sollicite pour l'exécution d'un ensemble de neuf statues en pierre. En 1866, Joseph Baudrand se marie avec Jeanne-Marie Saint-Eve, originaire de Besançon. Il transfère dans cette ville une partie de ses activités et se lie avec l'architecte bisontin Alfred Ducat qui lui confie, en 1867, la réalisation d'une statue de saint Joseph pour l'église de La Madeleine ainsi que le maître-autel, néo-roman, de l'église Notre-Dame en 1872. Sa protection lui vaut d'obtenir la sculpture du tympan néo-gothique de la nouvelle église de Mont-Roland. Baudrand collabore également à la décoration du château du Deschaux de 1869 à 1879 pour la famille de Vaulchier. La cheminée de la salle du fumoir est l'élément le plus connu de ce décor civil néo-gothique. En 1885 Joseph Baudrand se fixe définitivement à Besançon où il professera à l'école des Beaux-Arts jusqu'à sa mort. Deux dernières oeuvres non retrouvées ponctuent sa carrière : Une stèle des Trois Carnot en 1890 et une autre représentant Louis Pasteur en 1894. Sylvie de Vesvrotte

In : Éclectique XIXe, Les Beaux-Arts à Dole, 1820-1880, musée des beaux-arts de Dole
© musée de beaux-arts de Dole, avec l'aimable autorisation de S. Monnier.






Les Pélerins d'Emmaüs

Sylvie de Vesvrotte
In : Éclectique XIXe, Les Beaux-Arts à Dole, 1820-1880, musée des beaux-arts de Dole, 2014


Ce groupe illustre le récit du dernier chapitre de l'Évangile selon Luc, où le Christ, ressuscité, apparaît sur la route d'Emmaüs à deux disciples qui fuient Jérusalem. Ceux-ci lui offrent l'hospitalité sans le reconnaître : « Il prit le pain, prononça la bénédiction et le leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ». La fixité du Christ au regard lointain contraste avec les deux disciples, opposés dans leur réaction. Le plus jeune exprime la surprise et peut-être même l'incrédulité tandis que le plus âgé, qui a déjà compris le sens de cette rencontre, s'est placé dans l'attitude de la prière. Ce moulage est préparatoire à un groupe en marbre de Baudrand disposé sous l'autel de la chapelle du château de Montrambert.






Saint Louis et Sainte Elisabeth de Hongrie

Sylvie de Vesvrotte
In : Éclectique XIXe, Les Beaux-Arts à Dole, 1820-1880, musée des beaux-arts de Dole, 2014


Sainte Élisabeth de Hongrie incarne, avec saint Louis, le grand siècle de la Chrétienté, en phase avec les aspirations du style néo-gothique. Cette sainte fut l'objet d'une publication en 1836 par Charles de Montalembert qui contribua à développer son iconographie. Quant à saint Louis, il relève au XIXe siècle d'une iconographie nationale témoignant des valeurs civiques. Ces deux statuettes ornent les arcatures de la façade principale d'un autel de l'église de Nozeroy, à l'actif de Baudrand.




Du culte de saint Vernier en Franche-Comté et en Bourgogne.

R.P. Henri de Grèzes, Clermont-Ferrand, 1889


Nous avons vu l'archevêque de Besançon, Thibaud de Rougemont, venir en pèlerinage au tombeau de saint Vernier, en 1428. Ce pieux prélat et les ecclésiastiques de sa suite propagèrent en Franche-Comté le culte du pieux martyr. Les vignerons le choisirent pour leur patron spécial ; une confrérie sous son invocation fut établie dans l'église collégiale et paroissiale de Sainte-Madeleine, à Besançon.
Le culte du saint devenant de jour en jour plus populaire, la confrérie désira vivement posséder quelque relique de son saint patron. Poussé par le vœu de ses concitoyens et par sa piété particulière, un chanoine de Sainte-Madeleine,nommé Jean Chuppin, fit tout exprès le voyage de Bacharach(1), en 1548, pour s'en procurer. L'entreprise était difficile, car les magistrats de Bacharach gardaient alors avec un soin jaloux le corps de leur compatriote. Cependant, par le crédit d'un ancien gouverneur de Besançon, avec lequel Jean Chuppin s'était lié d'amitié, sa demande fut accueillie favorablement par le légat du Saint-Siège en Allemagne, parJean d'Isembourg, archevêque de Trèves, et par le comte palatin, Frédéric, électeur du Saint-Empire. Les gardiens de la chapelle du Saint ne purent rien refuser à de si hautes recommandations, et l'heureux chanoine de Sainte- Madeleine obtint l'index de la main droite de saint Vernier et un fragment considérable de son suaire encore teint de son sang.
Jean Chuppin revint en toute hâte à Besançon. Cette ville avait alors pour archevêque Mgr Claude de la Baume ; mais, vu le jeune âge de ce prélat, le diocèse était administré par un évêque auxiliaire, Mgr François Bonvalot. Ce dernier reconnut l'authenticité des reliques apportées par le chanoine Chuppin, et permit de les exposer à la vénération publique dans l'église de Ste-Madeleine. Il accorda aussi quarante jours d'indulgence à tous les fidèles qui les honoreraient soit parleurs prières soit par leurs offrandes.
La translation solennelle et l'installation des reliques eut lieu le mardi de Quasimodo, deuxième mardi après Pâques, de l'année 1548, et c'est en mémoire de cette translation que la fête du Saint demeura fixée, pour la Franche-Comté, à ce même jour.
Un beau reliquaire, dû à la générosité des chanoines et des paroissiens de Sainte-Madeleine, aussi bien qu'aux oblations de la confrérie de saint Vernier, renferma avec honneur les saintes reliques. Dans les supplications publiques, le suaire du saint était solennellement porté en procession.
La confrérie de saint Vernier devint de jour en jour plus florissant ; elle avait ses statuts, ses chefs, de nombreuses réunions. Dans ces assemblées la quête se faisait avec un bassin creux, en cuivre repoussé, d'un beau travail, représentant les deux Israélites apportant à Moïse le raisin de la terre promise; on l'appelait le plat de saint Vernier (2).
La confrérie célébrait en grande pompe le fête de son saint patron, le mardi de Quasimodo. Le panégyrique du saint était prononcé par un ecclésiastique, membre de la confrérie. Ce jour-là, à la réunion, on plaçait sur une table, dressée près d'un pilier de l'église, une grande coupe pleine de vin. Le prêtre après la messe le bénissait solennellement, puis chaque confrère venait religieusement en boire quelques gouttes.
L'office récité ou chanté par la confrérie et par les chanoines de Sainte-Madeleine au jour de la fête de saint Vernier, était pris au Commun d'un martyr pour le temps pascal, avec des leçons propres, tirées de l'antique légende du Saint.Ces leçons se terminaient ainsi : « Que Dieu donc, Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, daigne favoriser de ses bénédictions cette cité (de Besançon), ornée dès les temps anciens des souvenirs d'un grand nombre de saints, et maintenant enrichie des reliques de ce très saint martyr Vernier ! Qu'il nous accorde d'honorer et d'invoquer de telle sorte ce même saint martyr, que nous puissions toujours ressentir l'efficacité de son intercession, par le Christ Jésus, notre Sauveur (3). »
Le pape Alexandre VII, par un bref du 6 juin 1655, et, après lui, Innocent XI, par un bref du 10 décembre 1684, enrichirent la confrérie de saint Vernier à Besançon, de très nombreuses indulgences (4).
Favorisée par les Souverains Pontifes, protégée par les archevêques de Besançon, honorée par les magistrats de la cité, la confrérie de saint Vernier contribua puissamment à conserver dans la classe des vignerons l'amour de la foi et la fidélité aux pratiques religieuses.
Unis par les liens de la foi et de la charité, es confrères de saint Vernier gardèrent longtemps une haute idée de leur profession, et jouèrent un rôle important dans l'administration de la cité. La ville de Besançon, divisée autrefois en sept bannières, en comptait trois dans les quartiers habités par les vignerons ; celles de Battant, de Charmont et d'Arènes (5).
À la fin du siècle dernier, dans les fureurs de la révolution, la relique du Saint fut détruite ; ou du moins, elle disparut sans que depuis on ait pu la retrouver. La chapelle du Saint fut dévastée ; les réunions de la Confrérie cessèrent. Heureusement quelques monuments du culte de saint Vernier, et ce culte lui-même, survécurent à la tempête. Les vieux registres de la Confrérie, le bref d'Innocent XI, l'antique légendaire, la statuette du Saint tenant en main la serpette, le plat de saint Vernier furent sauvés du naufrage.
Dès l'année 1804, au jour traditionnel du mardi de Quasimodo, la Confrérie se réunît de nouveau, et recommença à célébrer la fête de son glorieux patron. Ce jour-là, le portail de l église de Sainte-Madeleine fut orné de guirlandes de buis, entourant l'image du saint. On vit reparaître l'antique statuette si vénérée, et le le plat de saint Vernier. Le vin fut béni dans la coupe, comme aux temps anciens ; et, en signe de fraternité, chaque confrère vint y tremper ses lèvres. Tous ces usages se sont continués jusqu'à l'heure présente. La fête de saint Vernier est célébrée chaque année à Besançon dans l'église de Sainte-Madeleine et dans un certain nombre de localités du diocèse, comme fête solennelle de Confrérie. Le prêtre chante la messe Protexisti du commun des martyrs dans le temps pascal.
La chapelle du Saint, dans l'église de Sainte- Madeleine, a été restaurée avec goût, aux frais de la Confrérie. L'autel est orné d'un tableau remarquable représentant le martyre du Saint. Sur l'autel, on lit cette inscription : S. Vernerio Martyri, Viticolee Bisuntini (à S. Vernier martyr, les vignerons de Besançon). Il existe aussi une florissante Confrérie de saint Vernier à Vuillafans (Doubs). Les vignerons de cette localité ont érigé, il y a quelques années, sur la place publique au milieu du bourg, une belle statue du saint martyr.
À Poligny, sous-préfecture du Jura, diocèse de Saint-Claude, dans la belle église paroissiale dédiée à saint Hyppolite, un des autels est consacré à saint Vernier. Le tableau de cet autel représente le Saint travaillant à la vigne. L'antique confrérie du Saint, désorganisée par la révolution, a été reconstituée il y a quelques années.
Il n'est presque pas d'église dans les pays vignobles des départements du Jura (diocèse de Saint-Claude), du Doubs et de la Haute-Saône(diocèse de Besançon), qui n'ait ou un autel sous le titre de saint Vernier, ou tout au moins, une statue du Saint.
Quand à la Bourgogne, le culte de saint Vernier y est, de temps immémorial, très répandu dans tout le Beaunois (pays de Beaune) et dans tout l'Auxois qui forme aujourd'hui l'arrondissement d'Avallon (département de l'Yonne, diocèse de Sens), etl'arrondissement de Semur (département de la Côte-d'Or, diocèse de Dijon). Dans tous ces pays, les vignerons honorent généralement saint Vernier comme leur patron ; la tradition est qu'ils ont reçu son culte de la Franche-Comté et de l'Auxerrois. Avant la révolution, il y avait dans ces pays un grand nombre de confréries et de sociétés de secours mutuels sous le patronage de saint Vernier. Il en existe encore quelques-unes en divers lieux, notamment à Beaune, à Semur-en-Auxois, où les vignerons célèbrent la fête du saint le 3 janvier, à Chassagne, à Nan-sous-Thil, etc. Dans l'église de cette dernière localité, on a érigé au Saint une belle statue en 1877.
Par suite de la perte des anciens registres des confréries de saint Vernier, il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de préciser l'époque à laquelle le culte du Saint s'étendit en Bourgogne. Importé de la Franche-Comté, dans le courant du XVIe siècle, il dut devenir plus populaire à la fin du XVIIe siècle, à la suite des décrets de Louis XIV (1662) permettant d'exporter les vins de Bourgogne par la Meuse et la Moselle. Il s'établit ainsi des rapports directs de transaction entre les vignerons bourguignons et les négociants de Bacharach. Cette ville, où avait commencé le culte de saint Vernier, était pour l'Allemagne l'entrepôt général des vins français.
L'auteur du Livre de la confrérie de saint Vernier (Beaune, 1841), à défaut des documents anciens qui avaient disparu, interrogea les vieillards qui avaient été témoins du culte du Saint avant la révolution française. « Ils se rappellent, disent-ils,que dans le siècle dernier, la confrérie de saint Vernier à Beaune, était dans un grand état de splendeur, tant par le nombre et la piété des associés qui la composaient, que par la solennité avec laquelle la fête de leur glorieux patron se célébrait le 19 avril, en l'église paroissiale de Sainte-Madeleine (renversée par la révolution)… Détruite ainsi que toutes les autres confréries, l'association de saint Vernier fut réorganisée en 1817 par quelques anciens membres, Mgr Reymond, évêque de Dijon, l'approuva et dès l'année 1820, la fête du Saint fut de nouveau solennellement célébrée, dans la belle église de Notre-Dame (6). »



(1) Vernier ou Verny représente l'adaptation française du nom d'un saint allemand nommé Werner, généralement connu comme Werner d'Oberwesel (ou Werner de Womrath ou encore Werner de Bacharach). Né à Womrath en 1271, il fut assassiné à l'âge de 16 ans en 1287 ; son corps fut retrouvé le Vendredi saint de 1287 près de Bacharach, ville située au bord du Rhin. La rumeur populaire attribua sans preuve cet assassinat aux Juifs et des violences antisémites s'ensuivirent. Werner fut considéré comme un martyr et on lui attribua des miracles. Certains auteurs modernes pensent que l'adolescent aurait pu être victime d'un crime sexuel. La rumeur initiale, liée à la période de Pâques, entre certainement dans la catégorie des accusations de crime rituel contre les Juifs, attestées à plusieurs reprises dans cette région au XIIIe siècle. Plus tard, cependant, la tradition semble avoir évolué vers une histoire de profanation d'hostie. Saint Vernier fut canonisé en 1429 par le pape Benoît XIV. Source : Wikipedia

(2) On voit au musée de la ville de Clermont-Ferrand, un plat antique en cuivre repoussé, à peu près pareil au plat de saint Vernier, de Besançon. Bien qu'il ne porte aucune inscription, nous conjecturons qu'il a dû appartenir à quelqu'une des nombreuses confréries de vignerons qui existaient autrefois en Auvergne. Il est dans la première salle, n° 281.

(3) …« Deus itaque qui Pater misericordiarum est et Deus totius consolationis, hanc civitatem quæ jam multorum sanctorum monumentis ornata, novissime hujus sanctissimi martyris Vernerii reliquiis locupletata est, benedictione sua foecundet, concedatque ut eumdem sanctum martyrem ita colamus invocando, ut illius semper praisidia percipiamus orando, per Christum Jesum Salvatorem nostrum. » — Tiré des anciens Breviaires de l'egl. de Ste-Madeleine, et des Manuels de la confrerie.

(4) Le bref d'Alexandre VII est reproduit dans tous les anciens manuels de la Confrérie. — Celui d'Innocent XI, qui existe encore en original, est reproduit à la fin du t. IV de La Vie des Saints de Franche-Comté.

(5) La haute idée que les vignerons bisontins avaient de leur état, est exprimée d'une façon originale, entr'autres dans ce couplet d'un vieux Noël en patois :

Lou père Noué bon offant
Pla'ntet lai honéble veigne,
y fesa tout comme nous fans.
Lou pas su la metié nous ans,
En Comté, en Espaigne,
Et las bé premié nous marchans
Même dans l'Ollemaigne.

Le père Noé bon enfant,—planta la noble vigne ;—Il ferait tout comme nous faisons.— Nous avons le pas sur les métiers, en Comté, en Espagne,— Et nous marchons les beaux premiers, — Même dans l'Allemagne.

(6) Livre de la conf. de saint Vernier, martyr, patron des vignerons de la ville de Beaume — Beaume, 1841.— p. 3, 6 et 7.

In : Gallica